1er octobre : Nous rentrons à Reims. On fait déposer une grande partie de nos affaires rue de la Grue. Le 4 octobre, après avoir commencé le nettoyage de l’appartement devenu inoccupé, nous prenons notre premier repas. Chaque jour, au moyen d’une petite voiture à bras, prêtée par Mme M. je transportais différents objets de la rue des Capucins.
Maurice Houlon
Dimanche 1er octobre 1944 :
L’avance alliée subit un temps d’arrêt. Les Allemands mettent toutes leurs forces à empêcher l’accès dans leur pays. En France, la région de Belfort est âprement disputée, Château-Salins, Epinal, Lunéville ont changé de mains plusieurs fois. Nancy qu’on disait délivrée depuis longtemps l’est-elle définitivement ?
En Hollande, la situation des troupes aéroportées a été tragique et il y eût un recul du côté de Nimègue. Dans un discours au Parlement, Churchill a regretté que tant de personnes aient pu croire la guerre si tôt finie et pense qu’il faudra peut-être encore les premiers mois de l’an prochain pour la terminer
J’ai reçu par Pierre Beurlet venant de Paris une lettre de Lucie. Elle qui ne me parlait dans ses deux dernières missives que de la joie de la libération, de sourire sur toutes les lèvres et d’espérance radieuse, me dit maintenant :
Le recul de Nimègue, l’augmentation des salaires et l’anéantissement complet des affaires rendent tout le monde très perplexe. Le vent qui souffle est froid
J’interroge Pierre Beurlet : « Oui, me dit-il, on se rend compte maintenant de la couleur de la propagande : rouge, très rouge ! Au point de vue économique les soucis sont grands. Une commission américaine d’étude se renseignant partout, notamment dans les banques a dit à mon beau-frère que les cargos sont construits à un rythme accéléré, chargés de marchandises qui vont venir faire baisser le coût de la vie beaucoup trop cher en France »
Arme à deux tranchants car, cette production américaine, déversée en masse sur le marché, va affaiblir, sinon tuer les industries françaises, d’où chômeurs, d’où révolution à redouter, pas plus logique d’ailleurs que la colère d’un enfant qui brise ses propres jouets Révolution ! Par ce mot les hommes croient avoir tout dit. Sous Pétain, on parlait de révolution nationale, maintenant on nous dit « Révolution par la loi ».
Le rôle du gouvernement doit être extrêmement difficile. Il lui faut contenir, tout en lui donnant des gages, ce communisme qui a grandi pendant les années de clandestinité, et à eu ses martyrs qui furent eux aussi une semence de nouveaux adeptes…
… Il est certain que nous sommes à un tournant décisif du monde. Il faut rebâtir sur un plan nouveau, avec de nouveaux matériaux.
Berthe Brunessaux
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Pendant cette période de la Libération de Reims, nous allons publier, au jour le jour, des extraits du journal de Maurice Houlon (1881 – 1966) et de Berthe Brunessaux (1887-1963) : lire la présentation de Berthe Brunessaux et Maurice Houlon