25 août : Paris est libéré ainsi que Marseille par les F.F.I. La Roumanie accepte les propositions de paix de la Russie. Alors que j’étais à Reims, un combat d’avions a lieu au-dessus de Nogent et tout tranquillement Lucie et sa mère,Mémé, admirent le combat dans le jardin sans songer un seul instant au danger d’une rafale de mitrailleuse ! Trois allemands sont descendus, Philippe rapporte à la Cossonnière une partie d’avion en aluminium. Le Général de Gaulle se rend à Notre-Dame de Paris pour le Te Deum, des galeries supérieures à l’intérieur de la cathédrale, des rafales de mitraillettes sont tirées.
Maurice Houlon
Vendredi 25 août 1944
Les autres nouvelles sont bonnes, Marseille est libéré sans trop de résistance, mais les combats sont acharnés encore dans Toulon. Annecy est délivré et les Alliés sont arrivés à la frontière suisse. Bordeaux est occupé par les FFI et les Alliés. (On ne parle pas de débarquement ?) Evreux et Verneuil sont libérés, mais Lisieux est toujours dans la bataille. Une nouvelle poche d’encerclement se forme autour de ce qui a pu échapper de la 7ème armée allemande. Sens, libérée, est déjà dépassée de 24 km et l’on marche vers Troyes. On parle aussi de Meaux. Les Allemands vont-ils se reformer sur la formidable ligne de défense qu’ils ont préparée dans le Soissonnais ?
Je note comme typique de notre douloureuse époque ces avis donnés hier soir par radio :
Aux habitants de l’Hérault : deux colonnes allemandes, sans doute les dernières que vous verrez se dirigent vers vous, pillant et brûlant tout sur leur passage. Prenez tous dispositifs et précautions.
Aux habitants de Valence – Drôme : On annonce le prochain passage chez vous d’une armée allemande qui s’est rendue coupable d’atrocités dans le Vercors. Son chef en sera rendu responsable. Tâchez de le prendre absolument, mort ou vif.
J’imagine que les gens de ces deux pays n’ont guère dû dormir cette nuit et cela peut se passer ainsi dans toute la France et dans combien de nations L’Italie notamment qui a aussi ses patriotes qui combattent derrière les lignes allemandes Et tous les Balkans !
10 heures du soir
Nous avons appris ce soir que les troupes du Général Leclerc sont entrées dans Paris hier soir 24 août à 22 h et que les Alliés, arrivés par les portes d’Orléans et de Versailles ont franchi ce matin à 8 h 30 le pont St Michel
On se battrait encore dans certains quartiers notamment le Luxembourg (je pense encore plus à Solange !) Mais toutes les cloches de Paris, invitées par celles de Notre-Dame ont sonné et l’on demande aux Parisiens de pavoiser tant qu’ils le pourront et s’ils n’ont pas assez de drapeaux, d’orner leurs façades avec des tapis Enfin, ce soir à 7 h, le Général de Gaulle a été reçu à l’Hôtel de Ville !
Au début de notre dîner, Jacqueline Beurlet est venue en trombe nous annoncer que la radio venait de dire, en toute dernière heure que le commandant allemand de Paris se serait rendu au Général Leclerc. Mais toutes les diffusions écoutées depuis n’en font aucunement mention. Pourtant le dernier message anglais affirme avec force : aucun Allemand n’est plus maintenant dans Paris que prisonnier ou mort !
J’essaye de m’imaginer dès maintenant le récit de ces jours terribles et magnifiques que me feront Lucie et Gaston Pourvu qu’ils les aient passés sans dommages Toutes nos pauvres joies sont assombries par des craintes. Et rassurés à peine pour les uns, nous craignons pour les autres. Bien que détruit, le poste de Radio-Paris fonctionne à nouveau, si faiblement encore qu’il est relayé par Londres, mais sera vite rendu à l’écoute sous le nom de Radio diffusion de la Nation française. Car il n’y a plus d’État français Il y a la Nation.. et ce soir, de Gaulle a crié : Vive la France, Vive la République !
Les Alliés sont entrés dans Lyon, Annecy. La Suisse annonce ce soir que, vu les événements elle procède à de nouvelles levées de troupes. Craint-elle de servir de passage aux Alliés vers l’Allemagne ?
Ce soir, le courant électrique, retiré à 10 h 1/4, vient de nous être rendu à 11 h. C’est là une chose qui ne nous est pas arrivée depuis longtemps.
Berthe Brunessaux
Des rumeurs tendaient à faire croire que les FFI entreraient rapidement en action, ce qui ne manquait pas d’alarmer la population, attendu que l’on estimait les forces allemandes cantonnées en ville à 20 ou 25 000 hommes. Dans le but d’impressionner la Résistance, les Allemands installaient des canons antichars, Place Royale, Esplanade Cérès. Bref, tout le monde s’attendait à une grande bagarre et chacun prenait des précautions pour trouver un abri dans les caves de champagne, constituer des provisions pour un siège, quand subitement , le samedi 26, on s »aperçut que le quartier des Cordeliers avait été évacué dans la nuit et que les États-majors avaient quitté la ville.
–Henri Druart
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Pendant cette période de la Libération de Reims, nous allons publier, au jour le jour, des extraits du journal de Maurice Houlon (1881 – 1966), de Berthe Brunessaux (1887-1963) et les notes d’Henri Druart : lire la présentation de Berthe Brunessaux et Maurice Houlon