Mardi 29 août 1944

Vers 4 H du matin, une violente détonation nous réveille et secoue fortement la maison comme elle ne l’a jamais été. Une heure plus tard, une seconde détonation se fait entendre. Reims est secoué par de violentes explosions qui proviennent de la gare où des wagons chargés d’explosifs, sautent. Un désastre a été évité grâce au sang-froid de trois personnes de la S.N.C.F. dont M. L. qui, se trouvant dans la gare, sont parvenus à décrocher quelques wagons chargés de dynamite et d’obus qui étaient menacés par le feu, et qui auraient causés de gros dégâts dans le quartier s’ils avaient explosé. Les secousses ressenties à Nogent le 29 août devaient provenir de l’explosion des usines de Combe plaine dont il ne
reste plus que la carcasse métallique. Au réveil, on perçoit plus nettement le son du canon et il pleut. Le canon tonne dans la direction d’Épernay et de la vallée de l’Ardre. Philippe et Jacques R. étant allés au petit Fleury reviennent avec tout un chargement d’objets de toutes sortes, abandonnés par les fuyards : 2 sacs à dos, un ceinturon tout neuf, des boites de singe,
etc… Toute la maisonnée est un peu énervée, enfin vers 14 H 30 le calme est complet. Dans la journée du 28 août on apprenait que les allemands raflaient tous les vélos, Jean démonte le sien et le camoufle sur le plancher à foin dans la grange, je place le mien dans le tas de foin de la grange, l’appareil de T.S.F. est rangé aussi et n’ayant pas de courant depuis le 28 au matin, plus de communiqués. On est complètement isolés. Vers 16 H, étant dans le jardin près du
noyer, j’entendais depuis un moment le bruit d’un roulement de camion dans le lointain et bientôt, en regardant dans la direction de la forêt, j’aperçois sur la route de Nanteuil, dévalant la pente, des camions recouverts d’une étoffe rouge orange phosphorescent à l’arrière, et j’entends crier, ce sont les américains ! C’est alors la course en direction du monument aux
morts pour aller à leur rencontre. C’est à ce carrefour que nous voyons arriver les premiers camions qui passent et se dirigent vers Sermiers pour gagner Cernay. Le convoi est survolé par une demi-douzaine de petits avions (Piper L4H). Tout Nogent accourt et bientôt aussi les gens de Chamery. C’est un délire ! On sert les mains des américains qui distribuent cigarettes, chocolats, bonbons, on leur donne du raisin, du Champagne, des pommes. Et ce défilé dure jusque vers 23 H. il n’y a plus un allemand à Reims. Les ponts sont détruits. On ne se doutait pas en entendant le canon vers midi qu’il y avait de pauvres gens qui mourraient atteints par la mitraille. A Champlat il y eut une dizaine de tués civils.

Maurice Houlon

… A la suite de ces incidents, le Général Rolle donne l’ordre d’abattre immédiatement tout membre des organisations telles que P.P.F., Francistes, légion des Volontaires contre le bolchevisme, etc. qui résisterait N’importe qui pourra se targuer de cet ordre pour tuer n’importe qui….

… 9 heures : les Anglais et les Français viennent de traverser Ivoy dans une voiture conduite intérieure occupée par 5 Anglais et suivie de 4 chenillettes chargées de Français. Ils nous ont dit venir de Briare et nous assurent que dans une dizaine de jours la région sera entièrement libérée. Ils distribuent aux enfants bonbons et chocolat Ce dernier surtout, épais, magnifique, suscite toutes les admirations. Peu de temps après, une autre voiture d’Anglais est en panne au Patroyat. Jany parle avec l’un d’eux qui pense que dans deux ou trois semaines nous verront beaucoup de ses compatriotes.

Les nouvelles continuent à être bonnes. Londres annonce que les Alliés ont passé la Marne à Château-Thierry Pourvu que la libération définitive de Reims se passe sans batailles.

Mais, même libérée, la ville qui pourrait bien se trouver à l’arrière de grandes batailles, sera bombardée par les Allemands. A moins que ceux-ci dont les positions s’écroulent partout, ne mettent bas les armes avant

Berthe Brunessaux

La journée du mardi 29 fut remplie de rumeurs : tout le monde savait que les FFI entreraient en action à partir de 17 heures. Des premiers coups de feu eurent lieu dans le courant de l’après-midi et durèrent jusqu’au petit jour. De nombreuses explosions avaient eu lieu toute la journée, couronnées à 9 heures 30 du soir par une explosion formidable, celle du pont de Vesle dont la rupture supprimaient la voie d’accès normale à Reims par le Sud.

 Néanmoins, on s’était rendu compte depuis le lundi 28 qu’il n’y aurait pas de résistance allemande sérieuse et lesc esprits étaient beaucoup plus calmes.

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Pendant cette période de la Libération de Reims, nous allons publier, au jour le jour, des extraits du journal de Maurice Houlon (1881 – 1966) et de Berthe Brunessaux (1887-1963) : lire la présentation de Berthe Brunessaux et Maurice Houlon

Author: Véronique Valette

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