Il y a 80 ans, le 30 août 1944

30 août : Le défilé du convoi reprend vers 7 H suivant le même itinéraire que la veille, je vais à la messe à Chamery à 9 H et en revenant je rencontre un convoi se dirigeant vers Ecueil, Sacy, etc. On est coupé avec Reims, pas un habitué n’est venu. En quittant Reims, les boches font sauter le pont de Vesle sur le canal et le pont de Soissons. Il subsistait aux abattoirs un groupe de miliciens et des allemands au foyer rémois.

Maurice Houlon

Mercredi 30 août, Reims est atteinte et dépassée

Cette avance rapide, prodigieuse même, dit la radio, fait présumer qu’elle se réalise sans beaucoup de résistance. Mais, il faut si peu de chose pour détruire une maison, un bonheur, une vie Et ce sont neuf vies si chères que j’ai, là-bas, pour lesquelles je tremble et me réjouis à la fois, dans une ferveur que les mots seraient bien impuissants à décrire. Comment cette libération s’est-elle opérée ? Où étaient mes enfants ? Jacqueline et les petits sont-ils restés à Neufchâtel où revenus chez eux Et les voilà définitivement libérés ? De tout danger ?…

...16 h : On apprend à l’instant qu’à la suite d’une avance de 60 km en 48 heures, Amiens a été occupé par les Alliés. Les Canadiens sont à Rouen ! Enfin, Reims a été de beaucoup dépassé, l’avance atteint Vitry-le-François et Saint-Dizier.

Dans sa lettre Marcel (Bourquin) attribue l’heureuse libération de Reims à ce que leurs FFI bien encadrés et se rendant compte de la situation, se sont tenus calmes, faisant passer le salut de la ville et de ses habitants avant la gloriole de porter fusil ou brassard visible (ne voulant pas rééditer les erreurs de Paris ?)
Il m’annonce aussi la nomination du Docteur Billard comme maire et de Pierre Schneiter comme sous-préfet. Hélas ! Il m’apprend que le frère de ce dernier, André, échappé par une audace extrême aux Allemands qui voulaient l’arrêter chez lui, en décembre/janvier dernier a été repris par eux et a été fusillé !

Berthe Brunessaux

Plus tard, Berthe a reçu une lettre de sa fille restée à Reims :

Ici, ce fut littéralement miraculeux ! Après 5 ou 6 jours d’angoisse, d’énervement porté au paroxysme ! Que de canons braqués aux alentours de la maison, à la poste, rue Cérès, Boulevard de la Paix, dans notre propre rue (Eugène Desteuque) Puis nous les avons tous vu filer les uns après les autres et le 29 août à 17 h, couvre feu. Atmosphère électrisée, un peu de fusillade, beaucoup d’explosion, canon au loin, qui se rapproche très fortement vers 9 h du soir. A 9 h 30 écoutons Sottens qui dit les Américains aux portes de Reims. Allons coucher rue Cérès. Nuit sans émotions, puis, à 7 h du matin le 30, sommes réveillés par des cris :  » Les voilà, ils sont au théâtre ! Tout le monde en chemise paraît aux fenêtres et effectivement sur des tanks imposants, tranquillement ils arrivaient sous des ovations délirantes et sans plus de grabuge. Quelques coups de feu bien sûr, mais dans les faubourgs où quelques Allemands tenaient encore. En 1/4 d’heure Reims était pavoisé superbement et toutes les Françaises dans les bras (très accueillants) des Américains. Il faut reconnaître qu’ils sont très sympathiques et que malgré les ovations dont ils devraient être blasés, ils sont toujours souriants et prêts à un geste amical !

Jacqueline Bourquin

Dans la matinée du 30 août 1944 , les chars de l’armée du Général Patton entrent dans Reims par l’avenue d’Épernay. Derrière eux, suivent des colonnes de jeeps, Dodges, GMC…

Après les dernières escarmouches qui ont eu lieu dans la nuit du 29 au 30 août, les Allemands sont partis sans tambour ni trompette par la route de Rethel. Seulement ils ont pris soin de faire sauter le pont de Vesle le 29 au soir. Aux premières heures du 30 août, les patrouilles américaines, qui ont campé à Cormontreuil et à la Maison-Blanche, investissent la ville. Les GI avancent silencieusement, en file indienne, mitraillette au poing.

les Américains prennent la ville en tenaille en passant avec leurs chars, d’un côté par le pont de Fléchambault (qui a été préservé par les Résistants) et de l’autre côté par les rues du docteur Bienfait, du Bois d’Amour et de la Victoire (celle de 1918 !). Ils empruntent le pont de Saint-Brice qui n’a pas sauté. Les quartiers de « La Maison Blanche » et « Porte de Paris » furent les premiers quartiers de Reims à être libérés.

Les Américains sur l’avenue de Paris, au carrefour avec la rue Martin-Peller :

Place Saint-Timothée, collection et photographie actuelle de Cédric Liochon
On peut remarquer que la toiture de Saint-Remi n’est pas encore complètement terminée.

Rue Théodore Dubois devant l’armurerie/coutellerie de Georges et Marguerite Rocher. La vitrine qu’ils avaient réalisée au lendemain de la Libération avait attiré beaucoup de passants !

Il faut dire que la file de personnes devant la devanture du magasin s’explique aussi du fait que Georges Rocher avait disposé en vitrine une statuette du Manneken pis en train d’uriner sur une croix gammée ! (Merci à Michel Barret, petit-fils de G. et M. Rocher pour ses commentaires et explications.)

Photographie ancienne : Alain Moyat

Rue de Sébastopol
Eric Brunessaux nous décrit cette photographie : sa mère, Denise Bourquel est à droite. À gauche, ce sont des voisins de la rue où ils habitaient, Jeanine et Louis. Ils ont caché des aviateurs pendant la guerre. »
C’était donc une cachette idéale pour les aviateurs chez les voisins. Personne n’aurait pu soupçonner que des aviateurs canadiens et américains se cachaient sous leur nez… Ils ont obtenu un diplôme de résistants de guerre de la part de Ike Eisenhower. »

Eric raconte que ses grands-parents tenaient un garage où les Allemands venaient faire réparer « sous contrainte » leurs véhicules.
« A la Libération, les Américains stationnaient place Marguerite-Rousselet et un bal fut organisé.  »

Quelle est l’histoire de cette photo ?
« Ma mère avait 15 ans et son amie, 17 ans. Elles étaient voisines rue de Sébastopol. La mère du petit ami de cette dernière était concierge à la maison de convalescence. Ils se sont amusés à se prendre en photo en installant les drapeaux sur le bâtiment. Un des Américains qui stationnaient sur la place qui scinde la rue en deux est venu prendre la pose avec eux. »

Place d’Erlon, au milieu le docteur Laurain et son épouse
Collection Michel Laurain

Rue de Betheny
Le 30 à l’aube, les Américains investissent la ville en passant avec leurs chars par le pont de Fléchambault qui a été préservé par les Résistants. En revanche le pont de Vesle a sauté. Les Rémois sont enchantés et démonstratifs lorsqu’ils voient leurs libérateurs. Les maisons sont pavoisées. Les familles descendent dans le centre-ville, se rassemblent notamment place Royale, près de Palais de Justice mais encore place d’Erlon et du côté des Promenades.
Photographie ancienne : Laurent Leroy

Author: Véronique Valette

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